7 - Focus sur le « château-caserne »

En 1884, les anciens pavillons et écuries, qui occupent la partie haute de la cour du château, sont démolis et remplacés par une nouvelle écurie pour les chevaux des officiers, répondant aux nouvelles normes hygiénistes de l’époque. Les chevaux sont séparés par un bac flanc et dispose chacun d’une mangeoire personnelle. Le petit édifice dispose d’une sellerie et d’un magasin aux fourrages. A l’extérieur, on retrouve un abreuvoir, un lavoir, un dépôt pour le fumier et un hangar pour les voitures régimentaires de l’infanterie. 

À partir du début du XIXe siècle, le pavillon du Roi est progressivement aménagé pour répondre aux besoins du casernement des troupes. Cette problématique d’adaptation aux dernières normes des bâtiments militaires est une vraie préoccupation des officiers du Génie de l’époque, similaire aux couvents incorporés au casernement à partir de la Révolution.  Un nouveau plancher permet, par exemple de faire deux niveaux assez volumineux, de ce qui était le premier étage.  Certains lieux emblématiques du château disparaissent alors dans ces travaux, comme la coupole de la chambre du Roi après 1819. L’édifice est réorganisé à nouveau en 1854 pour recevoir l’Ecole normale de tir, créée quatorze ans plus tôt. Toutefois, ces nombreux remaniements fragilisent le bâtiment, obligeant le Génie à lancer d’importants travaux de réhabilitation entre 1859 à 1864. La charpente et la toiture sont renouvelées, les planchers révisés et la façade ouest rehaussée. L’escalier d’honneur est remplacé par deux escaliers au centre et au nord du pavillon, pour optimiser la circulation  des 637 hommes qui peuvent l’occuper. 
En 1885, l’espace accueille principalement les installations de l’école normale d’administration et des équipements de casernement pour la troupe. Il révèle la professionnalisation des services du soutien de l’armée, comme en témoigne la présence de nouveaux locaux pour l’instruction des élèves (salles d’études et d’enseignements par exemple au deuxième étage). Les élèves y reçoivent à la fois des cours de culture générale et militaire, mais également d’administration (législations, fonctionnements des services, comptabilité …). L’existence d’une « bibliothèque de garnison » au même étage préfigure l’instruction de 1907, qui impose sa présence pour chaque compagnie d’un régiment.  

Alors qu’à la fin du XVIIIe siècle, la doctrine militaire cherche plutôt à loger les officiers dans les casernes au plus près des soldats, au siècle suivant, on décide à contrario de les en éloigner pour mieux affirmer leur autorité et leur permettre de vivre avec leur famille. La place de Vincennes n’échappe pas à cette règle, car l’ensemble des officiers logent à l’extérieur du château. Seuls y subsistent, avec leur famille, ceux qui ont une fonction directement attachée au service de la place. En 1847, pour rationaliser le logement de ce petit état-major, un nouveau pavillon de quatre niveaux est bâti à proximité  de l’entrée du château. L’hébergement y est organisé de manière hiérarchique :  les principaux officiers résident dans les appartements les plus important au rez-de-chaussée et au premier étage. On y constate également la présence de l’aumônier, symbole de la prérogative importante qui lui est accordée. Les autres habitent à l’étage supérieur dans des logements plus modestes. Ils disposent, néanmoins, d’un confort non-négligeable pour l’époque (cave, grenier, ainsi qu’écurie et remise pour les plus gradés). C’est également au rez-de-chaussée de cet édifice que se trouvent les bureaux du major de garnison et du sous-intendant militaire, situés près de l’entrée.   

En 1842, les casernes et pavillons nord-est sont démolis pour faire place à une nouvelle   casemate. Le service des subsistances, dont le but est d’assurer l’alimentation des hommes et des chevaux, s’y installe, ce qui lui confère une forte identité logistique dès le départ. Elle dispose d’une manutention et d’équipements permettant de fournir le pain de la troupe (fours à pain, paneterie, machine à vapeur …). Les denrées encaissées (biscuits et farines) sont emmagasinées au rez-de-chaussée et à l’étage pour éviter l’humidité. A l’inverse, les liquides se trouvent dans les sous-sols pour favoriser leur conservation. La présence d’une pièce pour les « vivres de campagne » révèle également bien l’hybridité de la casemate, conçue à la fois pour le temps de paix et pour faire la guerre. L’édifice sert également d’espace de casernement pour la troupe au premier étage. Enfin, on remarque la présence du logement du portier-consigne, situé rationnellement au plus proche de la porte d’entrée principale de la place.

La casemate T est la première construite de 1832 à 1834, entre le pavillon de la Reine et celui du Roi.  Le général Valazé, qui dirige les travaux de la place, écrit à ce sujet : « L’élévation de la façade est d’une ordonnance simple, d’un style sévère et son opposition avec la richesse d’architecture de la façade des pavillons du Roi et de la Reine, contribue à les faire respectivement valoir ». Il cherche à défendre, ici, une certaine harmonie esthétique de ces nouvelles constructions, à une époque où se développe l’intérêt patrimonial du château. Le bâtiment sert principalement de casernement pour la troupe avec notamment au rez-de-chaussée la présence du débit de tabac et de la cantine. À proximité, on retrouve le logement des cantinières, ayant pour mission de tenir un débit de boissons et de denrées alimentaires, en échange d’une commission délivrée par l’autorité militaire. Cet encadrement de la fonction de cantinière témoigne du contrôle très strict mis en œuvre sur la présence féminine, dans les casernes  au XIXe siècle. On trouve enfin une pension pour les sous-officiers, connue également sous le nom de « mess ». Cette pièce fait partie des espaces de loisir s qui émergent progressivement à cette époque dans le monde militaire. Elle vise à améliorer les conditions de vie des sous-officiers, mais également à contrôler et moraliser leurs loisirs. En effet, la création de ce lieu spécifique, éloigné des cantines, cherche à affermir leur esprit de corps et la discipline qu’ils doivent exercer sur la troupe.   

La casemate U est édifiée entre 1832 et 1838. Elle accueille principalement l’hébergement de la troupe, même si on y trouve quelques espaces logistiques. L’agencement des chambres des sous-officiers à proximité des escaliers, par exemple, révèle le processus de rationalisation, mis en avant à partir de 1874. Elle cherche, de fait, à favoriser l’encadrement de la troupe, car chaque soldat est ainsi obligé de passer devant les chambres de son sergent pour sortir de la caserne.  Ces chambres plus petites permettent également de rehausser le prestige des sous-officiers, en les séparant des soldats pour mieux affirmer leur autorité. Leurs compétences se divisent à cette période en trois domaines d’intervention : l’instruction des soldats, l’administration du domaine matériel militaire (vérification et entretien des chambres et des équipements militaires) et enfin la surveillance des hommes (tenue d’un livret, appels réguliers et enfin punition). Les lavabos et la « salle de bains par aspersion » au rez-de-chaussée illustrent enfin les dernières normes hygiénistes mises en œuvre dans les casernes. En effet, la chambrée militaire est alors considérée comme le lieu de tous les dangers, où chaque soldat est exposé aux effets néfastes de l’entassement des corps. La lutte contre la saleté corporelle constitue donc un aspect important pour préserver sa santé. Le ministère de la Guerre oblige, entre 1879 et 1880, la mise en place de systèmes de bains chauds par aspersion. Cette méthode se veut plus rapide, plus économique et plus virile que le bain par immersion, imprégné d’une connotation luxueuse,  réservée au riche. Cette hygiène martiale doit alors tonifier et endurcir le corps du soldat.

La casemate V est édifiée en 1842 dans la continuité de la casemate U et sert principalement d’espace d’hébergement pour le soldat. Toutefois, elle accueille également une cuisine composée de dix fourneaux au rez-de-chaussée. Elle témoigne des évolutions de l’époque concernant la restauration des hommes de troupe. En effet, au siècle précédent, les soldats cuisinent directement dans les cheminées de leur chambre servant également pour le chauffage. Ce n’est qu’à partir de 1815 qu’on crée les premières cuisines dotées de fourneaux, puis de marmites dites « Choumara », du nom de l’officier du Génie à l’origine de cette invention, pour optimiser la cuisson des aliments. Des progrès hygiéniques considérables sont également réalisés avec la dotation d’une gamelle individuelle pour chaque homme à partir de 1852. On remarque néanmoins l’absence d’un réfectoire, qui sera imposé à partir de 1889 pour l’ensemble des unités à proximité des cuisines, afin que les plats ne refroidissent pas.

La casemate W est la dernière bâtie en 1844. Elle clôture près de quinze ans de chantiers de construction au sein du vieux fort. Elle sert principalement d’annexe logistique aux autres bâtiments de la place, à l’image de l’atelier des cordonniers ou de la salle de visite médicale. On y remarque également, au rez-de-chaussée, l’existence d’une « salle de police » isolée pour punir les élèves et soldats du pavillon du Roi. A la fin du XIXe siècle, la discipline dans les casernes s’est considérablement développée et obéit à une stricte codification : les faute les plus légères (négligence, signe de paresse, manque aux appels) sont sanctionnées par la consigne au quartier. À l’inverse, en cas d’absence à l’appel du soir ou de « mauvais propos, désobéissance, querelle et ivresse », les hommes sont envoyés à la salle de police. Les délits plus graves sont sanctionnés par la peine de prison. L’ensemble de ces peines comportent une dimension corporelle très contraignante. Le séjour à la salle de police s’accompagne, par exemple, de deux heures de peloton de punition, deux fois par jour qui imposent aux soldats punis des exercices d’assouplissement, de maniement d’armes et de la course au pas gymnastique.

En 1827, le ministère de la Guerre demande la construction d’un atelier pour l’entretien du matériel conservé dans le pavillon des Armes, élevé quelques années auparavant. On décide alors de l’installer à proximité directe de ce dernier, en lieu et place d’un ancien pavillon qui tombait en ruine. Ce nouvel édifice, dénommé aujourd’hui « Orangerie », est pourtant bâti contre l’avis du gouverneur militaire du château, le marquis de Puivert, qui craint le bruit causé par l’activité des ouvriers. Ce bâtiment dispose, en 1885, des équipements techniques les plus modernes pour l’entretien de l’armement, comme un espace de dérouillage et de bronzage. Il s’agit d’un traitement du métal pour préserver les canons de la rouille. L’installation d’une petite voie ferrée entre les deux bâtisses, visible sur le plan, permet une circulation optimisée du matériel.

Après la Révolution, l’armée s’approprie l’ensemble des vieilles tours médiévales, construites sous le règne du roi Charles V. Elles sont transformées essentiellement en magasins protégés par des voûtes à l’épreuve de la bombe. Elles sont également arasées pour recevoir des canons sur des plateformes aménagées, entourées de parapets crénelés. Dès 1809, ces travaux d’aménagement sont réalisés sur la tour de Paris et celle de la Reine. Quelques années plus tard, les parties hautes des tours du Roi (1818), du Diable et des Salves (1819), du Réservoir et du Gouverneur (1820) sont aussi démolies. Seule celle du Village est préservée de ces transformations, dont les étages servent à la fois de lieu de repos pour la garde et d’espace disciplinaire pour les soldats. Ces tours permettent, par leur configuration ainsi que par leur situation, de stocker du matériel du Génie et de l’Artillerie tel que la poudre à canon ou des outils. La tour du Diable est aménagée pour recevoir un atelier de cartouches et est directement connectée au bâtiment de l’Orangerie. Finalement, elles illustrent parfaitement la possibilité pour l’armée de réutiliser de manière opportune et intelligente des espaces non conçus initialement pour cette fonction.

Après la Révolution, l’armée s’approprie l’ensemble des vieilles tours médiévales, construites sous le règne du roi Charles V. Elles sont transformées essentiellement en magasins protégés par des voûtes à l’épreuve de la bombe. Elles sont également arasées pour recevoir des canons sur des plateformes aménagées, entourées de parapets crénelés. Dès 1809, ces travaux d’aménagement sont réalisés sur la tour de Paris et celle de la Reine. Quelques années plus tard, les parties hautes des tours du Roi (1818), du Diable et des Salves (1819), du Réservoir et du Gouverneur (1820) sont aussi démolies. Seule celle du Village est préservée de ces transformations, dont les étages servent à la fois de lieu de repos pour la garde et d’espace disciplinaire pour les soldats. Ces tours permettent, par leur configuration ainsi que par leur situation, de stocker du matériel du Génie et de l’Artillerie tel que la poudre à canon ou des outils. La tour du Diable est aménagée pour recevoir un atelier de cartouches et est directement connectée au bâtiment de l’Orangerie. Finalement, elles illustrent parfaitement la possibilité pour l’armée de réutiliser de manière opportune et intelligente des espaces non conçus initialement pour cette fonction.

Après la Révolution, l’armée s’approprie l’ensemble des vieilles tours médiévales, construites sous le règne du roi Charles V. Elles sont transformées essentiellement en magasins protégés par des voûtes à l’épreuve de la bombe. Elles sont également arasées pour recevoir des canons sur des plateformes aménagées, entourées de parapets crénelés. Dès 1809, ces travaux d’aménagement sont réalisés sur la tour de Paris et celle de la Reine. Quelques années plus tard, les parties hautes des tours du Roi (1818), du Diable et des Salves (1819), du Réservoir et du Gouverneur (1820) sont aussi démolies. Seule celle du Village est préservée de ces transformations, dont les étages servent à la fois de lieu de repos pour la garde et d’espace disciplinaire pour les soldats. Ces tours permettent, par leur configuration ainsi que par leur situation, de stocker du matériel du Génie et de l’Artillerie tel que la poudre à canon ou des outils. La tour du Diable est aménagée pour recevoir un atelier de cartouches et est directement connectée au bâtiment de l’Orangerie. Finalement, elles illustrent parfaitement la possibilité pour l’armée de réutiliser de manière opportune et intelligente des espaces non conçus initialement pour cette fonction.

Magasin occupé par l'artillerie