L’apport des archives gendarmerie à la thématique du maintien de l’ordre lors des événements de Mai 68

Les événements de « Mai 68 » sont perçus à juste titre comme un tournant de la société française contemporaine, à l’issue desquels aussi bien les relations inter-individuelles que les relations des individus avec les institutions étatiques ont été bouleversées. La gendarmerie, dans sa composante de force de maintien de l’ordre, s’est trouvée aux premières loges pour assister à ces événements et à en ressentir leurs effets. Première impactée, l’institution gendarmerie a été néanmoins prompte à réagir, et cela dès les mois de mai et de juin 1968, en générant en interne une multitude de rapports, de notes et de messages concentrés sur les enseignements à tirer de ces nouvelles formes de confrontations.

     Les archives de la gendarmerie relatives au maintien de l’ordre lors des événements de Mai 68 constituent un ensemble de documents susceptibles d’enrichir des recherches portant sur trois points principaux :

  • La généalogie du concept de maintien de l’ordre au 20e siècle ;
  • La gestion de Mai 68 par l’institution gendarmerie ;
  • Les effets de Mai 68 sur l’institution gendarmerie.

Mais avant d’aborder ces trois points, il est nécessaire de présenter brièvement les fonds des archives de la gendarmerie présentes au Service Historique de la Défense à Vincennes ; ces dernières ont été organisées de manière à respecter l’unité des différents services producteurs. Les fonds sont ainsi structurés en 8 grands ensembles :

  • Commandement et organisme centraux ;
  • Gendarmerie départementale ;
  • Gendarmerie mobile ;
  • Garde Républicaine ;
  • Gendarmeries spécialisées ;
  • Formations hors-métropole ;
  • Prévôtés et assistance ;
  • Ecoles de gendarmerie.

Il est important pour le chercheur de noter que, si ces archives en tant qu’archives publiques, sont en théorie communicables de plein droit, elles relèvent cependant des dispositions dérogatoires prévues par les articles L 213-1 et suivants du code du patrimoine ; régime dérogatoire qui conditionne la communicabilité de certains documents à l’expiration d’une période de temps. Ces délais visent à protéger certaines informations sensibles, à savoir :

  • 25 ans pour les documents relatifs aux délibérations du gouvernement et des autorités relevant du pouvoir exécutif ainsi que pour les documents relatifs au secret médical.
  • 50 ans pour les documents relatifs au secret de la défense nationale et pour les documents portant un jugement de valeur sur une personne physique nommément désignée.
  • 75 ans pour les documents relatifs à une enquête judiciaire.
  • 100 ans pour les documents portant atteinte à l’intimité de la vie sexuelle ou affaire judiciaires relatives à des mineurs.

Les délais mentionnés courent à partir de la date du document le plus récent présent dans l’archive ou de la date du décès de la personne concernée (le délai de 25 ans est alors appliqué).

Maquette d'équipement gendarmerie. Casque mai 1968

La généalogie du concept de maintien de l’ordre au 20e siècle.

           

Pour revenir à la question du maintien de l’ordre lors de Mai 68, et plus spécifiquement à la problématique touchant le sens que la gendarmerie a donné au cours de son histoire au concept de maintien de l’ordre, le chercheur privilégiera le fonds provenant du commandement et des organismes centraux. Au sein de ce fonds, il pourra viser les archives produites par l’inspection générale de la gendarmerie. Cet ensemble de documents a ceci d’intéressant qu’il permet de dévoiler les pistes de réflexion que la gendarmerie a développées vis-à-vis de l’exercice du maintien de l’ordre. Dans le cas de Mai 68, l’intérêt de ce fonds est d’autant plus grand qu’il permet de retracer la chronologie, étape par étape, qui conduisit la gendarmerie à reformuler ses pratiques. Grace à cette continuité des documents, une micro-histoire de l’institution est rendue possible. Elle peut même compléter une approche plus générale dessinant les grandes tendances cristallisées à intervalles réguliers dans les instructions ministérielles.

Ainsi, si Mai 68 a conduit la gendarmerie à remettre en question un certain nombre de paramètres dans sa conception du maintien de l’ordre, il ne faut néanmoins pas conférer à ces événements un caractère singulier. La confrontation à des pratiques émeutières de rupture apparaît régulièrement dans l’histoire du maintien de l’ordre qui suppose, de la part de l’institution gendarmerie, une plasticité dans l’approche de la manifestation. A cela, il est important de noter que l’évolution des pratiques de la gendarmerie ne peut être distinguée de l’évolution axiologique de la société elle-même ; les valeurs de cette dernière influençant la pratique « gendarmique ». C’est pourquoi, un pas en arrière historique reste nécessaire afin de déterminer si Mai 68 a bien représenté une rupture dans la représentation que la gendarmerie se faisait du maintien de l’ordre.

En remontant au début du 20e siècle, dans l’instruction interministériel du 15 janvier 1929 relative au maintien de l’ordre, destinée à la garde républicaine mobile, future gendarmerie mobile, le chapitre premier établit les principes qui doivent déterminer l’action de cette dernière ; ces principes, au-delà d’un appel traditionnel aux vertus d’une éthique professionnelle fondée sur la discipline et la responsabilité, déploient de manière plus structurelle une conception du politique que le maintien de l’ordre doit préserver.

« Les gendarmes et gardes doivent bien se pénétrer de cette idée que leur intervention n’a d’autre but que d’assurer la liberté et la tranquillité des citoyens. Ils évitent tout ce qui pourrait être interprété comme une provocation, un acte de brutalité ou un abus de pouvoir »[1]. Il ne faut pas voir dans cette instruction un texte de rupture avec les réglementations précédentes, mais plutôt une évolution vis-à-vis de ces dernières. Déjà dans l’instruction du 24 juin 1923, l’usage des armes n’était permis que dans le cas où des violences ou des voies de fait étaient exercées sur la troupe. Pour autant, l’instruction de 1930 acte une nouvelle représentation du manifestant ou de l’émeutier non plus comme un individu qui, par sa révolte, n’appartient plus au corps politique, mais comme un citoyen à remettre dans le droit chemin. Ayant face à lui non plus un ennemi du politique, mais un adversaire d’une politique, la gendarmerie prend ses distances avec tout rapport conflictuel. Dans cet esprit, l’article 12 de l’instruction de 1930 définit le maintien de l’ordre avant tout par des restrictions d’usages, à savoir de ne comporter « que des opérations dans lesquelles l’usage du feu n’est envisagé a priori ni dans la progression des troupes ni dans les dispositifs de résistance ».

Dans ce refus a priori d’une montée aux extrêmes entre forces de l’ordre et manifestants confluent plusieurs évolutions : historique, politique et plus strictement technique. D’un point de vue historique, on assiste à un changement progressif des mentalités de la population française au cours du 19e et du 20e siècles conduisant à un refus de plus en plus marqué des violences intra-étatiques. Celui-ci s’est exprimé, dans le cas de la gestion des manifestations, par un changement de vocable. En passant du « rétablissement de l’ordre » au « maintien de l’ordre », c’est le concept de l’« ordre » lui-même qui est modifié ainsi que les moyens acceptables pour le restaurer. Dans le cas du rétablissement de l’ordre, la manifestation était perçue comme une rupture dans le tissu socio-politique ; rupture devant être rapidement résorbée. Dans le cas du maintien de l’ordre, la manifestation est perçue comme un soubresaut socio-politique qui, bien qu’entraînant une situation de « moindre ordre » n’équivaut pas à une rupture avec l’ordre lui-même. Concernant l’évolution politique, la gendarmerie intègre qu’un désaccord profond, revêtant des expressions publiques plurielles, puisse être nécessaire au débat démocratique ; idée de débat démocratique qui vient tempérer voire rendre caduque une action de répression de ce qui aurait été perçue hier comme un mouvement de fronde ou de sédition. Enfin, on assiste à une évolution technique, plus tardive par rapport aux aspects précédents, qui vient ancrer dans la pratique la conception policée de ce qui devient le maintien de l’ordre. Si Mai 68 a constitué un tournant pour la gendarmerie, nous verrons qu’il s’agira surtout d’un tournant technico-tactique. C’est donc à l’aune de ces évolutions qu’il faut aborder le cadre conceptuel propre à la gendarmerie lorsque celle-ci s’affronte aux manifestants de Mai 68.

 

Maquette d'équipement gendarmerie. Casque mai 1968

La gestion de Mai 68 par la gendarmerie.

 

            En 1968, la gendarmerie mobile compte 110 escadrons de marche répartis en groupes d’escadrons et en 23 groupements de gendarmerie mobile. Un escadron de gendarmerie mobile compte un effectif de 75 militaires. Suite à la réorganisation territoriale de 1966, au cours de laquelle les légions de gendarmerie mobile sont dissoutes, les capacités logistiques des escadrons sont diminuées. Les archives de la gendarmerie comprenant l’ensemble des registres de correspondances courantes, de correspondances confidentielles ainsi que les journaux de marches et d’opérations des escadrons de gendarmerie mobile de la période concernée, une recherche portant sur les capacités opérationnelles de ces derniers est parfaitement envisageable. Il en va de même d’une recherche sur la gestion des unités par le commandement de la gendarmerie mobile à Paris au cours des journées de mai et juin 1968. A cela s’ajoute les unités ne relevant pas de la gendarmerie mobile, mais engagées dans le maintien de l’ordre, à savoir les escadrons de gendarmerie départementale et les compagnies de marche d’élèves-gendarmes.

 A l’ensemble de ces registres et journaux de marches et opérations qui détaillent l’activité de ces unités au quotidien viennent s’ajouter les rapports établis par chaque commandant d’escadron à l’issue des opérations de maintien de l’ordre en application de la note de service N° 6820 en date du 24 juin 1968 demandant une synthèse à la fois du déroulement des opérations réalisées par l’escadron concerné et les enseignements susceptible d’en être tirés. Ces rapports « Retex » ont ceci d’exhaustif qu’ils mentionnent les points suivants : les conditions de la participation (l’effectif réel de l’escadron), l’ambiance de la population, les constatations en lien avec les crimes et délits, les arrestations, les actes méritoires et les blessures, l’emploi des différents équipements ou plus précisément les difficultés rencontrées avec ces équipements. Conformément à la note de service susmentionnée, ces rapports se veulent aussi forces de propositions, qu’il s’agisse d’idées portant sur les tactiques, les tenues ou les équipements à oublier, à conserver ou à simplement repenser. L’ensemble de ces rapports, rédigés sur le vif, puisque compris entre mai et juin 1968, se trouvent dans le fonds de l’inspection générale de la gendarmerie [2].

Ces archives que nous venons d’évoquer ont valeur de compte-rendu fonctionnel en lien direct avec l’action des escadrons. Le chercheur ne trouvera pas dans ceux-ci d’analyse générale sur le sens à donner aux manifestations et aux comportements des jeunes émeutiers. Les rapports ne donnent à entendre parfois que la réprobation de certains commandants d’escadron qui ne voient dans l’action de ces derniers que l’expression d’une volonté « nihiliste » ou « politique » ; cela sans rentrer dans le détail des dites motivations politiques.

            A travers ces archives, apparaît directement le caractère proactif de l’institution gendarmerie qui, avant même que les manifestations de mai 68 soient terminées, se projette dans l’avenir et explore la possibilité d’une pratique du maintien de l’ordre améliorée.

 

Maquette d'équipement gendarmerie. Combinaison mai 1968

Les effets de Mai 68 sur l’institution gendarmerie.

 

Sur la base des rapports des commandants d’escadrons engagés sur le terrain, une commission du ministère de l’intérieur pour le maintien de l’ordre est mise sur pieds le 02 juillet 1968 sous la présidence du colonel de gendarmerie Joseph Héraud. Cette commission, dont les actes et conclusions sont conservés dans le fonds de la direction générale de la gendarmerie [3], possède un champ d’étude tripartite, à savoir :

  • Les équipements ;
  • Les techniques opérationnelles et de commandement ;
  • La formation des personnels et l’instruction des unités.

           

 

La commission, s’appuyant sur le retour d’expérience des escadrons, prend note d’un grand nombre de difficultés matérielles telle une tenue gendarmerie inadaptée au maintien de l’ordre, l’absence de bouclier, de casques avec visières, de masques à gaz, de véhicules insuffisamment protégés et de moyens radio insuffisants. En réponse à ces problèmes d’équipements, la commission développe toute une série de propositions, à savoir la création d’une tenue spécifique au maintien de l’ordre, l’utilisation progressive de bouclier et de masque à gaz liée à l’usage de grenades lacrymogènes et offensives tirées à distance. Ces propositions feront dans les années suivantes l’objet d’études de faisabilité de la part du bureau technique de l’organisation et de l’emploi (BTOE) ; rapports joints au dossier de la commission. Concernant les techniques opérationnelles et de commandement, la commission doit concilier une demande constante de la part des commandants d’escadrons d’augmenter à la fois l’effectif (environ 100 personnels souhaités) et la mobilité de ces derniers. La recherche de « l’effet de masse » présent dans le maintien de l’ordre depuis le préfet Lépine doit être articulé avec une « rapidité d’exécution » rendue nécessaire par la nouvelle « volatilité » des manifestants.           

Au regard de la documentation présente dans nos archives, il apparaît que Mai 68 n’a pas conduit à une révolution de l’équipement du maintien de l’ordre qui se serait concrétisée par des matériels inédits - à l’exception de l’usage provisoire de bulldozers préparatoire à la venue des futurs VBRG – Véhicule Blindé à Roues de la Gendarmerie - dotés d’une lame nécessaire à la destruction des barricades.

Il n’en reste pas moins que l’utilisation d’hélicoptères pour les sommations ou pour le grenadage des manifestants, de bâtons électriques, de « riotrol », produit permettant de rendre la chaussée hyperglissante, d’infra- ou d’ultra-sons ; de péniches ou de barges dans le contexte parisien, aucune de ces propositions ne s’est réalisée. Car, plutôt que de se tourner vers des matériels « disruptifs », la commission a choisi de privilégier le renforcement quantitatif et le renouvellement qualitatif d’équipements déjà connus des praticiens du maintien de l’ordre.

            Voici par exemple les schémas d’une proposition d’une tenue et d’un casque adaptés au maintien de l’ordre ; ces schémas ont été joints par le chef d’escadron Delannoy, commandant le 23 groupement de gendarmerie mobile du Languedoc, à son rapport, suite à l’engagement de son escadron en Mai 68. Ces dessins ont ceci d’intéressant qu’ils visent avant tout à apaiser les griefs des gendarmes de terrain. Le premier schéma représente le plan en coupe d’un casque protecteur, couvrant la nuque et doté d’une mentonnière ainsi que d’une visière en plexiglas ; un tel casque viendrait remplacer le casque lourd, peu protecteur – la nuque et les tempes étaient découvertes -, et instable –  doté d’une simple jugulaire -, qui équipait alors les escadrons. Le deuxième schéma correspond à une autre proposition de casque. Le troisième schéma, lui, se penche sur la tenue des gendarmes mobiles. Afin de remplacer la vareuse incommode, fragile et chère – les réparations ou le remplacement de cette dernière étant pour majeure partie à la charge des hommes -, il est proposé une combinaison en toile avec une doublure intérieure en nylon matelassé. Cette tenue est dénuée du baudrier, équipement véritablement maudit par les gendarmes lors de Mai 68, puisque moyen de préhension parfait pour les manifestants afin de déstabiliser les forces de l’ordre. Le dernier schéma représente la coupe d’une proposition de visière. Il est à noter que ni le casque ni la visière ne prévoit encore un système d’attaches pour le masque à gaz ; système qui demandera quelques années avant son implémentation. Je vous présente également d’autres schémas d’une proposition de nouveaux équipements faite par le chef d’escadron Baudouin, commandant le 9ème groupe de gendarmerie mobile d’Argentan. L’élément intéressant par rapport aux précédents dessins, est la présence d’un gilet pare-projectiles fait en lustran, matière plastique qui allierait « solidité, souplesse et légèreté ». Dans tous les cas, l’ensemble de ces propositions dénote la prise de conscience de la nécessité d’équipements de protection pour les gendarmes ; problématique jusqu’ici peu présente dans le maintien de l’ordre.

 

Maquette d'équipement gendarmerie. Visière mai 1968

Cette demande d’un surcroit de protection des personnels apparaît comme d’autant plus légitime par la hiérarchie de la gendarmerie qu’elle autorise une plus grande liberté tactique, à savoir une plus grande précision dans la gradation du rapport de force allant d’une attitude passive à une intervention choc en passant par un usage intermédiaire de la coercition. Bien protéger les gendarmes, c’est offrir à ces derniers les conditions nécessaires au respect de la proportionnalité de l’usage de la force et écarter le risque de violences illégitimes. Il est important toutefois de mentionner que l’utilisation du bouclier et de la matraque a été l’objet d’avis divergents de la part des commandants d’escadron. Si, pour certains, le bouclier apparaît comme un équipement indispensable face à des manifestants usant de projectiles potentiellement vulnérants ou mortels, pour d’autres, le bouclier connote une posture de passivité qui serait symboliquement dommageable aux forces de l’ordre. Cette dimension du symbolique se retrouve d’ailleurs dans la question du retrait du fusil MAS 36 au profit de la matraque, jusque-là seulement présente chez les CRS ; le premier étant plus menaçant – et donc plus sérieux… - que la seconde. Mais on peut se demander si ces réticences ne sont pas les mêmes que celles qui se font entendre au même moment au sujet du remplacement du képi par le bonnet de police, à savoir le risque d’engendrer chez la population une « horrible » confusion entre le CRS et le gendarme mobile.           

Le versant « équipement » a donc été pensé en lien étroit avec le versant des « techniques opérationnelles et de commandement », en vue d’élaborer un mode d’action souple pouvant s’adapter à des contextes de faible ou de haute intensité. Face à des manifestants n’hésitant plus à aller au contact, il s’agit de réinstaurer de la distance avec ces derniers via l’utilisation de fusils lance-grenades tout en autorisant des actions de choc par des pelotons spécialisés nécessaires à l’arrestation des meneurs ou individus belliqueux. Le maître-mot est donc la capacité d’adaptabilité du dispositif de maintien de l’ordre qui doit dépasser le binarisme passivité/charge de masse. Si Mai 68 a eu un effet sur les tactiques du maintien de l’ordre, c’est dans la prise de conscience par l’institution que le temps devient une variable essentielle de l’équation. Le contrôle de la foule n’est plus seulement un problème spatial, mais aussi temporel – par la nécessité constante qu’il y a à anticiper les actions et les mouvements des manifestants.             

 Le dernier champ d’étude de la commission est relatif à la formation des personnels et à l’instruction des unités et plus précisément à la formation continue de ces personnels et unités. Si les rapports des commandants d’escadron engagés en Mai 68 louent le professionnalisme de leurs hommes, il n’en demeure pas moins que ces derniers n’ont pas reçu une préparation soutenue pour répondre à ce type de contexte.

Le manque d’exercice « en vraie grandeur sur le terrain » était souligné quelques mois avant les événements, le 15 mars 1968, dans un courrier du ministre des armées. Déjà sujet de réflexion avant Mai 68, l’établissement d’un programme de formation continue au maintien de l’ordre est alors rapidement décidé ; programme symbolisé par la création l’année suivante du Centre de Perfectionnement de la Gendarmerie Mobile (CPGM) à Saint-Astier. Conformément aux préconisations de la commission Héraud, le programme d’instruction du CPGM met l’accent sur l’entraînement physique et sportif (individuel et collectif) comme condition préliminaire à l’instruction professionnelle proprement dite. Selon le rapport du lieutenant-colonel Joseph Laurens, commandant le CPGM, en date du 25 juillet 1969, dès la fin des premiers stages, les résultats suivants ont pu être constatés, à savoir que les escadrons ont pu « uniformiser et préciser l’accomplissement des gestes et mouvements de base du MO ; revenir à une plus juste conception de l’emploi des unités que les événements récents paraissent avoir quelque peu déformée » et enfin ont pu développer « une nouvelle cohésion et esprit d’équipe »[4]. Avec le CPGM, c’est aussi une dimension d’expérimentation qui se fait jour dans la pratique du maintien de l’ordre. Grâce à l’édification d’un village urbain rendant possible la modélisation d’un grand nombre de scénarios, les escadrons sont entraînés à l’imprévu. Dans le même esprit, il est demandé aux officiers de la gendarmerie mobile de cultiver une réflexion situationnelle ou contextuelle en fonction de scénarios fictifs[5].

Ces éléments relatifs au maintien de l’ordre en Mai 68, que nous venons d’exposer, ne reposent que sur les documents d’archives les plus saillants à notre disposition. Issus des fonds des structures de commandement de la gendarmerie, les cartons sur lesquels nous nous sommes appuyés contiennent pour la plupart des rapports, des notes et des messages dont le caractère synthétique a permis de faciliter une prise de décision de la part des échelons supérieurs.

Cette documentation ne représente néanmoins qu’une partie, dans la mesure où les archives des structures départementales et régionales occupent la majeure partie du fonds gendarmerie du SHD. En ce sens, nos archives offrent aux chercheurs la possibilité d’effectuer des études exigeant une granularité fine liée à un champ de recherche à la temporalité et à la spatialité restreintes.

 


[1] Direction de la gendarmerie, Instruction sur le maintien de l’ordre, approuvée le 1er août 1930, Paris, Imprimerie Nationale, 1930, pp.26-27. Document présent à la bibliothèque d’histoire militaire du SHD sous la côte R 4388.

[2] SHD/DFA/DGN, GD 2007 ZM 1 307577.

[3] SHD/DFA/DGN, GD 2007 ZM 1 190055

[4] Rapport N°455/2 du lieutenant-colonel Laurens en date du 25 juillet 1969 (in GD 2007 ZM 1 307578).

[5] Dossier d’instruction des officiers relatifs au maintien et au rétablissement de l’ordre en date du 02 avril 1969 (in GD 2007 ZM 1 190055).

 

Références archivistiques :

 

- Fonds de la direction générale de la gendarmerie :

  • GD 2007 ZM 1 190055

- Fonds de l’inspection générale de la gendarmerie :

  • GD 2007 ZM 1 307577
  • GD 2007 ZM 1 307578

- Fonds des écoles gendarmerie :

  • GD 2007 ZM 1 219947

- Fonds de la gendarmerie mobile :

  • Ensemble des R/2, R/4 et JMO pour l’ensemble des unités de gendarmerie mobile.
  • Légions de garde républicaine mobile et unités rattachées antérieures à 1939
  • Légions de garde républicaine mobile puis légion de garde républicaine puis légion de gendarmerie mobile de 1939 à 1967
  • Unités de la gendarmerie mobile de 1939 à 1946
  • Unités de la gendarmerie mobile de 1947 à 1966, 1968 et 1970
  • Unités de la gendarmerie mobile de 1947 à 1976
  • Unités de la gendarmerie mobile (année 1976)
  • Unités de la gendarmerie mobile (année 1977)
  •  

- Fonds de la garde républicaine :

  • Ensemble des R/2, R/4 et JMO pour l’ensemble des unités de la garde républicaine de Paris.

 

 

Communication de la division Gendarmerie Nationale du SHD aux RDV de Blois 2020

 

 

Dernière modification le 05/05/2023

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