Hubert Germain (1920-2021)

Portrait d'Hubert Germain

 

 

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Une vocation maritime contrariée : du cuirassé Courbet à la 13e demi-brigade de Légion étrangère (1940-1942)

 

Le refus viscéral de la défaite d’un étudiant préparant le concours de l’Ecole navale

Né à Paris le 6 août 1920, Hubert Germain prépare le concours de l’École navale à Bordeaux lorsque la défaite et l’Occupation surviennent[1]. Il refuse ce qu’il considère comme une humiliation et fait part de sa réaction instinctive qui lui serait venue en entendant « ce laïus effrayant du maréchal Pétain, disant qu'il fallait terminer la guerre et déposer les armes[2] ». Son premier acte consiste à ne pas passer les épreuves pour devenir « bordache », une décision qu’il explique par le raisonnement suivant : « Tu prétends passer un concours, si jamais tu es reçu, tu vas devenir officier de la marine française aux ordres des Allemands. C’est contraire à mon éthique personnelle[3] ». De Bordeaux, il gagne Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques) où il s’embarque pour la Grande-Bretagne à bord de l’Arandora Star. Ce départ constitue par ailleurs pour lui une rupture avec sa famille dans la mesure où son père, le général d’armée Maxime Germain (1881-1953) a été membre en 1934 du cabinet de Philippe Pétain, alors ministre de la Guerre, et sera envoyé par la suite par Vichy en Afrique pour empêcher le ralliement à la France libre de la Côte Française des Somalis[4].

 

De l’intégration dans les FNFL au 1er fait d’armes à Bir Hakeim au sein de la 13e DBLE en 1942

En dépit d’un désir initial de servir dans l’aviation, Hubert Germain est affecté sur le Courbet[5], un cuirassé qui sert à la fois de navire-école des Forces navales françaises libres  (FNFL) récemment créées et de bâtiment de défense antiaérienne pendant la bataille d’Angleterre[6]. Sous le commandement du capitaine de corvette Chambaudouin, il reçoit une formation technique accélérée[7]. L’« efficacité à brève échéance [8]» dictant les affectations des élèves-aspirants, Hubert Germain est envoyé au Levant terminer sa formation dans l’infanterie, les FFL faisant face à une crise des effectifs et, notamment, à un manque d’encadrement de leurs troupes sur ce théâtre d’opérations.

 

Hubert Germain est donc affecté le 15 décembre 1940 en Palestine en tant qu’élève-aspirant à l’état-major du général Legentilhomme, alors à la tête de la 1re division légère française libre (1re DFL). Alors que cette dernière est transformée en 1re brigade française libre, Hubert Germain, au terme de sa formation à la toute nouvelle École des aspirants de Damas, rejoint le 3 novembre 1941 le 2e bureau de l’état-major du général Koenig, commandant de cette unité. Souhaitant combattre, il est affecté au 2e bataillon de la 13e DBLE. C’est dans les rangs de cette unité prestigieuse qu’il se distingue lors des combats de Bir-Hakeim et d’El Himeimat lors de la deuxième bataille d’El Alamein, comme en témoigne cette citation à l’ordre de l’armée signée du général de Gaulle : « Chef de section anti-chars, a été pour ses hommes un exemple constant de calme et de courage. S’est montré à tout moment au cours du siège de Bir-Hakeim, un auxiliaire précieux pour le commandant du point d’appui auquel il était rattaché. Au cours de la sortie de vive force dans la nuit du 10 au 11.6.42, a montré de très belles qualités de chef[9]». C’est à cette époque qu’il se lie avec Pierre Messmer, son commandant de compagnie.

 

Un parcours d'officier au sein de la 1reDivision Française Libre de la Libye à l'Allemagne (1942-1946)

 

De nouveau distingué pour ses services en Italie et en France au sein de la 1ère DFL en 1943-44

Promu sous-lieutenant en septembre 1942, Hubert Germain sert dans la 1re DFL (qui a été recréée) lors de la campagne de Tunisie. Il est nommé lieutenant le 25 décembre 1943. En Italie, Hubert Germain est blessé le 24 mai 1944 par un éclat d’obus dans la hanche gauche à Lencio alors que la 1re DFL est engagée dans les combats de Pontecorvo[10], lors de la percée de la ligne Gustav (opération Diadem). C’est à Naples où il est évacué qu’il reçoit la Croix de guerre avec une seconde citation à l’ordre de l’armée[11]. Rétabli, il participe au Débarquement de Provence qu’il considère comme le moment le plus marquant de son parcours de Français libre[12].

 

Cependant, comme pour de nombreux Français libres, la libération du territoire national n’est pas exempte de désillusions pour Hubert Germain : ses liens avec Pierre Messmer se renforcent durant l’année 1944, parce que tous deux partagent le sentiment d’avoir « retrouvé la France, mais pas les Français[13] ». Il cesse de combattre le 21 octobre 1944 en raison de ses blessures et de problèmes de santé[14]. II est fait compagnon de la Libération par décret du 20 novembre 1944 (paru au Journal Officiel du 21 novembre 1944). Cette décoration est assortie de la citation suivante à l’ordre de l’armée, sa troisième : « Officier d’une santé délicate mais qui ne veut à aucun prix manquer une occasion de se battre pour la libération de la France. D’un courage calme et réfléchi, s’est déjà distingué lors des combats de Bir-Hakeim où il a été cité à l’ordre de l’armée. Commandant, une section antichars, a été blessé alors que, ses deux tracteurs de pièces mis hors de combat par des camions anti-chars, il dirigeait le tir des mitrailleuses lourdes de sa section pour continuer à appuyer le bataillon qui attaquait le long du Liri[15].»

 

Une sortie de guerre éprouvante malgré les honneurs

Par la suite, Hubert Germain est appelé comme aide de camp du général Pierre Koenig, chef des forces françaises en Allemagne. Cette façon de sortir de la guerre fut amère pour Hubert Germain comme il l’a fait remarquer dans un entretien récent : « La puanteur, la charogne était là, partout. Tout brûlait … Vous n’allez pas vous moquer de cadavres qui sont là, qui se sont battus. Vous-même vous en avez tués. Moi, je suis chrétien, mais je vous dis, j’ai tué du monde, mais ça m’obsède encore à l’heure actuelle[16]. » Au cours de la même période, il retrouve en mai 1945 son père, arrêté comme otage à Grasse en mai 1944, puis interné dans une forteresse rattachée au camp de Flossenburg[17]. Durant cette période, Hubert Germain est fait chevalier de la Légion d’Honneur (décret du 21 avril 1945), reçoit la médaille de la Résistance avec rosette (décret du 3 août 1946) ainsi que la médaille commémorative 1939-1945 avec agrafe « Afrique, Italie, France[18] ». Il est démobilisé le 1er juillet 1946 mais reste officier de réserve (il devient capitaine en 1953[19]).

 

Un retour aux armées par la politique : une carrière dans le sillage de Pierre Messmer (1960-1968)

 

Le rôle de l’ancien légionnaire gaulliste au sein du cabinet de P. Messmer

En 1953, Hubert Germain est élu maire de Saint Chéron (Seine-et-Oise puis Essonne), mandat qu’il conserve jusqu’en 1965. En février 1960, son camarade de combat Pierre Messmer devenu ministre des Armées l’appelle à rejoindre son cabinet en qualité de chargé de mission. Hubert Germain est particulièrement chargé de suivre « l’[abandon d’]un format largement colonial pour un système de défense moderne fondé sur la dissuasion nucléaire et des forces professionnelles de projection[20]. »

Dans les heures qui suivent le putsch du 21 avril 1961, Hubert Germain est chargé de mettre aux arrêts les « généraux [de métropole] suspectés de sympathie, voire d’avoir partie liée avec les putschistes d’Alger[21]. Alors que de Gaulle émet un temps l’idée de dissoudre la Légion étrangère à titre de sanction[22], les anciens légionnaires Messmer et Germain se mobilisent pour que seul le 1er régiment étranger parachutiste soit dissous[23]. Hubert Germain contribue à mettre en œuvre l’abandon par la Légion de son berceau historique de Sidi-Bel-Abbès (Algérie) et son transfert à Aubagne (Bouches-du-Rhône)[24]. Il est fait commandeur de la Légion d’Honneur par décret du 29 mai 1962[25].

 

Du Palais Bourbon au gouvernement : une carrière politique dans le sillage de P. Messmer

Il quitte ses fonctions en 1962 pour devenir député gaulliste de Paris (il siège au sein des groupes UNR puis UDR) jusqu’en 1973. En parallèle de ce nouveau mandat, il revient à l’Hôtel de Brienne en tant que conseiller technique chargé des questions aéronautiques et spatiales entre 1967 et 1968. Il devient par ailleurs chef de bataillon de réserve le 1er octobre 1968[26]. Fidèle de Pierre Messmer, Hubert Germain fonde avec lui en décembre 1969 l’association « Présence du Gaullisme » au sein de laquelle il s’occupe plus particulièrement des questions militaires. P. Messmer devenu Premier ministre, Hubert Germain est nommé ministre des Postes et Télécommunications (6 juillet 1972 – 27 février 1974) puis ministre des relations avec le Parlement (2 mars 1974- 27 mai 1974). Bien qu’il ait précocement soutenu Valéry Giscard d’Estaing du fait de son antipathie pour Jacques Chaban-Delmas[27], Hubert Germain n’est pas reconduit dans ses fonctions par le successeur de Georges Pompidou et met fin à sa carrière politique.

 


[1] « Fiche Provisionnelle de renseignements du Corps des Volontaires Français ». Dossier de résistant GR 16 P 252751. Service Historique de la Défense (Vincennes).

[4] Hervé Joly, A Polytechnique. X 1901, Paris, Flammarion, 2021, p. 185-188.

[5] « Acte d’engagement dans les Forces Françaises Libres ». Dossier de résistant GR 16 P 252751. SHD (Vincennes)

[6] Emile Chaline et Philippe Santarelli, Historique des forces navales françaises libres, Tome 2, Paris, Association des Forces navales françaises libres, 1992, p.227.

[7] Morgane Barey, “A rude école. La formation initiale des officiers français à l’épreuve de la Seconde Guerre mondiale », thèse en histoire sous la direction d’Olivier Wieviorka, soutenue le 12 février 2021, ENS Paris-Saclay, p. 318.

[8] Ibid. p.333

[9] Fiche matricule établie à partir de l’état signalétique et des services (ESS). Dossier nominatif 80 -01002. Centre des archives du personnel militaire (CAPM), Service historique de la Défense (Pau).

[10] État des services. Dossier nominatif 80 -01002. CAPM, SHD (Pau).

[11] Fiche matricule établie à partir de l’Etat Signalétique et des Services. Dossier nominatif 80 -01002. CAPM, SHD (Pau).

[13] Frédéric Turpin, Pierre Messmer. Le dernier gaulliste, Paris, Perrin, 2020, p. 46.

[14] Fiche matricule établie à partir de l’ESS. Dossier nominatif 80 -01002. CAPM, SHD (Pau).

[15] Ibid.

[17] Dossier d’officier de la légion d’Honneur de Maxime Germain (disponible en ligne dans la Base Léonore : https://www2.culture.gouv.fr/LH/LH107/PG/FRDAFAN84_O19800035v0130545.htm, consulté le 11 octobre 2021). Cf. Hervé Joly. op. cit. p. 378-379.

[18] Fiche matricule établie à partir de l’Etat Signalétique et des Services. Dossier nominatif 80 -01002. CAPM, SHD (Pau).

[19] Livret matricule d’officier Dossier nominatif 80 -01002. CAPM, SHD (Pau).

[20] Frédéric Turpin. op.cit. p. 137.

[21] Ibid. p. 147.

[22] François Cochet « Pierre Messmer et la modernisation de l’armée française 1960-1969. » in François Audigier, François Cochet, Bernard Lachaise et Maurice Vaïsse (dir.). Pierre Messmer au croisement du militaire, du colonial et du politique. Paris, Riveneuve éditions, 2012, p. 204.

[23] Frédéric Turpin. op.cit. p. 154.

[24] Ibid. p. 155.

[25] Fiche matricule établie à partir de l’Etat Signalétique et des Services. Dossier nominatif 80 -01002. CAPM, SHD (Pau).

[26] Ibid.

[27] Frédéric Turpin. op.cit. p. 280.

[28] Décret du 25 novembre 2020 paru au Journal Officiel du 26 novembre 2020 : (disponible en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=Ugb9nbNgBg8AknRLJtPZfaktGFbXkg1zBLmF3P_ISSc=, consulté le 11 octobre 2021).

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Dernière modification le 14/10/2021